Sommaire
Notice
Le texte
L’édition ci-dessous est pour l’instant encore expérimentale et incomplète. Inspirée des réflexions menées actuellement sur la génétique éditoriale [1]Voir par exemple les travaux d’Anne Réach-Ngô et de Richard Walter sur la « génétique éditoriale de la première modernité« , elle se propose de permettre au lecteur de mesurer facilement les interventions réalisées par Jean Racine au fil des rééditions de sa pièce.
L’édition s’appuie sur la numérisation de l’édition Paul Mesnard [2] Paris, Hachette, « Les Grands Ecrivains de la France », 1865. , mise à disposition par le projet Wikisource, mais elle rétablit le texte original de la première édition de 1671 [3]Bérénice. Tragédie, par M. Racine, Paris, Claude Barbin, 1671, in 12°., conforme au projet d’origine de Jean Racine, et dont Georges Forestier montre, dans les notes de son édition de la Pléiade, la supériorité à tous égards [4]Jean Racine, Théâtre-Poésie, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1999.. Les variantes, introduites dans les éditions ultérieures (1676, 1687, 1697), apparaissent au clic sur les liens, ou au clic sur la flèche (>) qui permet replier les scènes supprimées. Elles ont été établies à partir des notes de de Georges Forestier en Pléiade.
Destinée à toucher le plus large public, cette édition prend le parti de moderniser la graphie, et de normaliser l’emploi des majuscules et de la ponctuation.
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BéréniceTragédie |
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Préface |
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Titus reginam Berenicen , cui etiam nuptias pollicitus ferebatur, statim ab urbe dimisit invitus invitam. C’est-à-dire que « Titus, qui aimait passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu’on croyait, lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome, malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire. » Cette action est très-fameuse dans l’histoire ; et je l’ai trouvée très-propre pour le théâtre, par la violence des passions qu’elle y pouvait exciter. En effet, nous n’avons rien de plus touchant dans tous les poètes , que la sépara tion d’Énée et de Didon, dans Virgile. * Il est vrai que je n’ai point poussé Bérénice jusqu’à se tuer comme Didon, parce que Bérénice n’ayant pas ici avec Titus les derniers engagements que Didon avait avec Enée, elle n’est pas obligée comme elle de renoncer à la vie. A cela près, le dernier adieu qu’elle dit à Titus, et l’effort qu’elle se fait pour s’en séparer, n’est pas le moins tragique de la pièce ; et j’ose dire qu’il renouvelle assez, bien dans le cœur des spectateurs l’émotion que le reste y avait pu exciter. Ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie : il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. Je crus que je pourrais rencontrer toutes ces parties dans mon sujet. Mais ce qui m’en plut davantage, c’est que je le trouvai extrêmement simple. Il y avait longtemps que je voulais essayer si je pourrais faire une tragédie avec cette simplicité d’action qui a été si fort du goût des anciens. Car c’est un des premiers préceptes qu’ils nous ont laissés. « Que ce que vous ferez , dit Horace, soit toujours simple et ne soit qu’un. » * Ils ont admiré le Philoctète , dont tout le sujet est Ulysse qui vient pour surprendre les flèches d’Hercule. L’OEdipe même, quoique tout plein de reconnaissances, est moins chargé de matière que la plus simple tragédie de nos jours. Nous voyons enfin que les partisans de Térence, qui l’élèvent avec raison au-dessus de tous les poètes comiques, pour l’élégance de sa diction et pour la vraisemblance de ses mœurs , ne laissent pas de confesser que Plaute a un grand avantage sur lui par la simplicité qui est dans la plupart des sujets de Et il ne faut point croire que cette règle ne soit fondée que sur la fantaisie de ceux qui l’ont faite. Il n’y a que le vraisemblable qui touche dans la tragédie. Et quelle vraisemblance y a-t-il qu’il arrive en un jour une multitude de choses qui pourraient à peine arriver en plusieurs semaines ? Il y en a qui pensent que cette simplicité est une marque de peu d’invention. Ils ne songent pas qu’au contraire toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien, et que tout ce grand nombre d’incidents a toujours été le refuge des poètes * ni assez de force pour attacher durant cinq actes leurs spectateurs par une action simple, soutenue de la violence des passions, de la beauté des sentiments et de l’élégance de l’expression. Je suis bien éloigné de croire que toutes ces choses se rencontrent dans mon ouvrage ; mais aussi je ne puis croire que le public me sache mauvais gré de lui avoir donné une tragédie qui a été honorée de tant de larmes, et dont la trentième représentation a été aussi suivie que la première. Ce n’est pas que quelques personnes ne m’aient reproché cette même simplicité que j’avois recherchée avec tant de soin. Ils ont cru qu’une tragédie qui était si peu chargée d’intrigues ne pouvait être selon les règles du théâtre. Je m’informai s’ils se plaignaient qu’elle les eût ennuyés. On me dit qu’ils avouaient tous qu’elle n’ennuyait point, qu’elle les touchait même en plusieurs endroits, et qu’ils la verraient encore avec plaisir. Que veulent-ils davantage ? Je les conjure d’avoir assez bonne opinion d’eux-mêmes pour ne pas croire qu’une pièce qui les touche et qui leur donne du plaisir puisse être absolument contre les règles. La principale règle est de plaire et de toucher. Toutes les autres ne sont faites que pour parvenir à cette première. Biais toutes ces règles sont d’un long détail, dont je ne leur conseille pas de s’embarrasser. Ils ont des occupations plus importantes. Qu’ils se reposent sur nous de la fatigue d’éclaircir les difficultés de la Poétique d’Aristote ; qu’ils se réservent le plaisir de pleurer et d’être attendris ; et qu’ils me permettent de leur dire ce qu’un musicien disait à Philippe, roi de Macédoine, qui prétendait qu’une chanson n’était pas selon les règles : « A Dieu ne plaise, Seigneur, que vous soyez jamais si malheureux que de savoir ces choses-là mieux que moi. » Voilà tout ce que j’ai à dire à ces personnes, à qui je ferai toujours gloire de plaire. Car pour le libelle que l’on a fait contre moi, je crois que les lecteurs me dispenseront volontiers d’y répondre. Et que répondrais-je à un homme qui ne pense rien et qui ne sait pas même construire ce qu’il pense ? Il parle de protase comme s’il entendait ce mot, et veut que cette première des quatre parties de la tragédie soit toujours * de la dernière, qui est la catastrophe. Il se plaint que la trop grande connaissance des règles l’empêche de se divertir à la comédie. Certainement, si l’on en juge par sa dissertation, il n’y eut jamais de plainte plus mal fondée. Il paraît bien qu’il n’a jamais lu Sophocle, qu’il loue très injustement d’une grande multiplicité d’incidents, et qu’il n’a même jamais rien lu de la Poétique, que dans quelques préfaces de tragédies. Mais je lui pardonne de ne pas savoir les règles du théâtre, puisque heureusement pour le public il ne s’applique pas à ce genre d’écrire. Ce que je ne lui pardonne pas, c’est de savoir si peu les règles de la bonne plaisanterie, lui qui ne veut pas dire un mot sans plaisanter. Croit-il réjouir beaucoup les honnêtes gens par ces Hélas de poche, ces Mesdemoiselles mes Règles, et quantité d’autres basses affectations, qu’il trouvera condamnées dans tous les bons auteurs, s’il se mêle jamais de les lire ? Toutes ces critiques sont le partage de quatre ou cinq petits auteurs infortunés, qui n’ont jamais pu par eux-mêmes exciter la curiosité du public. Ils attendent toujours l’occasion de quelque ouvrage qui réussisse, pour l’attaquer. Non point par jalousie. Car sur quel fonde ment seraient-ils jaloux ? Mais dans l’espérance qu’on se donnera la peine de leur répondre, et qu’on les tirera de l’obscurité où leurs propres ouvrages les auraient laissés toute leur vie. |
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Acteurs |
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TITUS, empereur de Rome. La scène est à Rome, dans un cabinet qui est entre l’appartement de Titus et celui de Bérénice. |
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Acte premier |
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Scène première |
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Antiochus, Arsace |
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ANTIOCHUS Arrêtons un moment. La pompe de ces lieux, ARSACE Vous, Seigneur, importun ? vous, cet ami fidèle ANTIOCHUS Va, dis-je ; et sans vouloir te charger d’autres soins, |
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Scène IIAntiochus, seul. |
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Hé bien ! Antiochus, es-tu toujours le même ? Pourrai-je, sans trembler, lui dire : « Je vous aime ? » Mais quoi ? déjà je tremble, et mon cœur agité Craint autant ce moment que je l’ai souhaité. Bérénice autrefois m’ôta toute espérance ; Elle m’imposa même un éternel silence. Je me suis tu cinq ans, et jusques à ce jour D’un voile d’amitié j’ai couvert mon amour. Dois-je croire qu’au rang où Titus la destine Elle m’écoute mieux que dans la Palestine ? Il l’épouse. Ai-je donc attendu ce moment Pour me venir encor déclarer son amant ? . *. Retirons-nous, sortons ; et sans nous découvrir, Allons loin de ses yeux l’oublier, ou mourir. Hé quoi ? souffrir toujours un tourment qu’elle ignore ? Toujours verser des pleurs qu’il faut que je dévore ? Quoi ? même en la perdant redouter son courroux ? Belle reine, et pourquoi vous offenseriez-vous ? Viens-je vous demander que vous quittiez l’Empire ? Que vous m’aimiez ? Hélas ! je ne viens que vous dire Qu’après m’être longtemps flatté que mon rival Trouverait à ses vœux quelque obstacle fatal, Aujourd’hui qu’il peut tout, que votre hymen s’avance, Exemple infortuné d’une longue constance, Après cinq ans d’amour et d’espoir superflus, Je pars, fidèle encor quand je n’espère plus. *, elle pourra me plaindre. Quoi qu’il en soit, parlons : c’est assez nous contraindre. Et que peut craindre, hélas ! un amant sans espoir Qui peut bien se résoudre à ne la jamais voir ? |
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Scène IIIAntiochus, Arsace |
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ANTIOCHUS * ARSACE Seigneur, j’ai vu la Reine ; ANTIOCHUS. Hélas ! ARSACE Quoi ? ce discours pourrait-il vous troubler ? ANTIOCHUS Ainsi donc sans témoins je ne lui puis parler ? ARSACE Vous la verrez, Seigneur : Bérénice est instruite ANTIOCHUS Il suffit. Cependant n’as-tu rien négligé ARSACE Seigneur, vous connaissez ma prompte obéissance. ANTIOCHUS Arsace, il faut partir quand j’aurai vu la Reine. ARSACE Qui doit partir ? ANTIOCHUS Moi. ARSACE Vous ? ANTIOCHUS En sortant du palais. ARSACE Je suis surpris sans doute, et c’est avec justice. ANTIOCHUS Arsace, laisse- la jouir de sa fortune, ARSACE Je vous entends, Seigneur : ces mêmes dignités ANTIOCHUS Non, Arsace, jamais je ne l’ai moins haïe. ARSACE Quoi donc ? de sa grandeur déjà trop prévenu, ANTIOCHUS Titus n’a point pour moi paru se démentir : ARSACE Et pourquoi donc partir ? ANTIOCHUS Que veux-tu que je dise ? ARSACE Hé bien, Seigneur ? ANTIOCHUS Son sort décidera du mien. ARSACE Comment ? ANTIOCHUS Sur son hymen j’attends qu’elle s’explique. ARSACE Mais qui rend à vos yeux cet hymen si funeste ? ANTIOCHUS Quand nous serons partis, je te dirai le reste. ARSACE Dans quel trouble, Seigneur, jetez-vous mon esprit ? ANTIOCHUS La Reine vient. Adieu : fais tout ce que j’ai dit. |
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Scène IVBérénice, Antiochus, Phénice |
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BÉRÉNICE Enfin je me dérobe à la joie importune ANTIOCHUS Il est donc vrai, Madame ? et, selon ce discours, BÉRÉNICE Seigneur, je vous veux bien confier mes alarmes. ANTIOCHUS Il a repris pour vous sa tendresse première ? BÉRÉNICE Vous fûtes spectateur de cette nuit dernière, ANTIOCHUS Et je viens donc vous dire un éternel adieu. BÉRÉNICE Que dites-vous ? Ah ciel ! quel adieu ! quel langage ! ANTIOCHUS Madame, il faut partir. BÉRÉNICE Quoi ? ne puis-je savoir |
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Acte II
Acte III
Acte IV
Acte V
References
↑1 | Voir par exemple les travaux d’Anne Réach-Ngô et de Richard Walter sur la « génétique éditoriale de la première modernité« |
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↑2 | Paris, Hachette, « Les Grands Ecrivains de la France », 1865. |
↑3 | Bérénice. Tragédie, par M. Racine, Paris, Claude Barbin, 1671, in 12°. |
↑4 | Jean Racine, Théâtre-Poésie, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1999. |