Après le semi-échec de son retour au théâtre, Racine resta le courtisan respectueux écartelé entre la faveur du roi et la fidélité à Port-Royal. Il publia de la poésie religieuse non dramatique, d’abord en 1689 une traduction d’hymnes de l’église, composés dans sa jeunesse et qu’il remania ; et des Cantiques spirituels, en 1694, à la demande de Mme de Maintenon. Certaines pages reflètent peut-être sa propre dualité, l’écartèlement d’un poète qui concilie tant bien que mal ses deux fidélités :
Mon Dieu, quelle guerre cruelle !
Je trouve deux hommes en moi :
L’un veut que plein d’amour pour toi
Mon coeur te soit toujours fidèle.
L’autre à tes volontés rebelle
Me révolte contre ta loi…
Courtisan respectueux, il sert la cause de ses amis : il assiste en 1694 aux obsèques d’Antoine Arnauld, et, à la fin de sa vie, il rédige en secret un Abrégé de l’histoire de Port-Royal, inachevé, qui évoque en particulier le temps des persécutions des années 1660. Ce texte écrit clandestinement est tout entier conçu comme un vibrant hommage à l’abbaye. Cette loyauté de Racine, plus ou moins secrète, finit-elle par paraître suspecte aux yeux de ses royaux bienfaiteurs ? Racine ne manquait pas d’ennemis, et, apparemment, quelque officieux adversaire dénonça à Mme de Maintenon la persistance de liens avec une abbaye qui souffrait toujours davantage les persécutions. Il en fut apparemment informé lors d’un séjour à Marly, c’est-à-dire entouré des plus intimes amis du roi. Il décida de s’en défendre. Il prépara une lettre de justification où il proclamait son allégeance au roi, où il affichait son orthodoxie, où il minimisait ses liens avec ce qui restait de Port-Royal, et où éclatait surtout une terreur extrême à la pensée d’une possible disgrâce. On a conservé cette lettre, qui resta apparemment à l’état de brouillon et ne fut pas envoyée. Il ne semble pas que cette délation ait eu de quelconques conséquences sur la faveur dont il continua à jouir jusqu’à sa mort en avril 1699. Dernière marque de sa loyauté, il fut inhumé à Port-Royal des Champs, au pied de la tombe de M. Hamon, médecin, qui fut son maître. Ses cendres furent transférées avant la destruction du monastère, à Saint-Etienne du Mont, en 1711.